Rémi et Sylvain, porteurs du projet, ont participé à l’émission QVEMA du 18 février pour trouver un associé et un investissement de 80 000 €, en échange de 10 % du capital de leur entreprise.
Le pitch
Le concept est simple à comprendre, car très visuel. La démo du snowboard en mode « skate » est imparable et j’ai immédiatement vu les bénéfices de pouvoir faire pivoter son pied et ainsi éviter de se tordre le genou sur un plat ou assis dans un télésiège.
Moi qui aime le snowboard, mais qui suis plutôt nul, je ne compte plus les fois où je me suis retrouvé à sautiller de travers sur un plat parce que j’avais chuté au mauvais moment. Et la douleur du genou tordu après 10 minutes de télésiège, je connais bien !
Le marché du snowboard a plutôt tendance à se développer, et une des raisons pour laquelle de nombreux pratiquants potentiels restent au ski est justement cette pénibilité liée à la difficulté de manœuvrer en plat ou dans un télésiège. Le marché de la vente, ou même de la location, de ces attaches paraît donc raisonnablement large car directement mondial sans nécessité d’adaptation spécifique à une région.
Déjà plusieurs prototypes ont été réalisés, et celui présenté apparaît comme complètement fonctionnel. Une première ébauche d’industrialisation a été mise en place, et la vente des 1000 premières unités via Indiegogo (crowdfunding) semble sur la bonne voie.
Le prix public proposé est de 139 € TTC avec un coût de fabrication, en France, estimé à 40 € pour les 1 000 premiers exemplaires.

L’analyse
J’ai très rapidement été séduit par le projet. Les deux frères m’apparaissaient plutôt sympathiques (point tout de même majeur quand on s’apprête à travailler avec quelqu’un), et ils étaient clairement passionnés par l’univers dans lequel ils évoluaient.
Le problème adressé me semblait tout à fait légitime, et le marché suffisamment gros pour que cela vaille le coup de s’y intéresser. De plus, au-delà du produit QuickSett, Black-Line a pour ambition de devenir un leader de l’électronique dans les sports de glisse. Et pour couronner le tout, un premier brevet vient protéger efficacement cette vision.
Marc Simoncini, grand sportif et amateur de snowboard, n’a pour étant pas du tout été convaincu par son intérêt, arguant qu’il n’avait jamais été personnellement gêné par la torsion du genou. A-t-il raison et ai-je tort ? Impossible de trancher factuellement sur le plateau, et j’ai donc dû me décider, comme souvent, à l’instinct.
Fondateurs sérieux, univers cool, marché engageant, électronique, mécanique et industrialisation en France, un bon cocktail réuni pour que naisse une grande envie de les accompagner et de faire une proposition.
Mais il y avait pour moi un problème : la valorisation de l’entreprise à 800 000 EUR me semblait irréaliste, et avoir 10 % du capital (comme proposé) ne correspondait pas à mes attentes.
Allait alors débuter la négociation la plus intense, et la plus difficile de toute la saison !
Hardware is hard
Afin de comprendre mes réserves, il est nécessaire de faire une petite parenthèse sur la complexité extrême de l’industrialisation.
Industrialiser un produit est loin d’être simple et il existe une différence majeure entre un prototype et une production en série. Ce n’est pas un hasard si le « hardware » est assez boudé des VCs en général, car considéré comme très risqué.
En développement logiciel, les équipes ne sont dépendantes que d’elles-mêmes. Si les difficultés ou impasses peuvent être nombreuses, leur résolution peut se faire via un travail acharné ou une approche différente du problème. Lorsque l’on industrialise un produit électronique et mécanique, il existe des dépendances fortes sur des fournisseurs comme le fabricant de cartes, l’approvisionnement en composants, le mouliste, l’obtention d’une certification, etc. Si un des éléments de la chaîne rompt, alors il devient impossible d’avancer. La meilleure volonté du monde ne pourra jamais faire disparaître un délai de 2 mois pour la fabrication d’un nouveau moule suite à une erreur de conception.
Un produit « hardware » n’est donc prêt que… lorsqu’il est prêt. C’est pour cette raison qu’on n’annonce en général un produit seulement après avoir complètement validé son industrialisation et certification.
L’écrasante majorité des dates annoncées à l’avance, pour la livraison d’un nouveau produit hardware sur une campagne participative, ne sont pas respectées. Les porteurs de projet sont en effet souvent débutants dans le domaine, et sous-estiment énormément la difficulté de passer du prototype au produit industriel.
Pour moi, il était clair que QuickSett ne dérogerait pas à cette règle, et que si je m’engageais dans l’aventure un travail important allait être nécessaire.

La négociation
Je me suis ainsi fixé comme objectif minimum 20 % de détention des parts, soit le double de ce qui était proposé. Ce montant permettait à la fois de valoriser mon implication sur le long terme, sans pour autant diluer de manière trop importante les fondateurs. Même si l’entreprise devait lever des fonds encore deux fois dans le futur avec la même dilution, alors ils pourraient conserver une majorité au capital.
Visiblement, j’étais le seul intéressé par investir dans le projet, et tout le monde a préféré passer. Rémi et Sylvain se sont donc retrouvés face à moi et je leur ai donc proposé 80 000 € pour 25 % des parts afin de tout de suite positionner fortement la négociation.
La réaction ne s’est pas fait attendre longtemps : « pour nous ça ne va pas être possible ».
J’ai expliqué mon approche, en insistant sur la difficulté à venir de l’industrialisation et de la valeur ajoutée que je pourrai apporter sur le projet. Après quelques échanges infructueux, voyant bien que j’étais trop gourmand, j’ai ajusté ma proposition en faisant un pas dans leur direction à 100 000 € au lieu de 80 000 €, pour 20 % des parts.
La situation était tendue, car je voyais bien que d’un côté ils avaient besoin de conclure un deal, mais que de l’autre il leur était difficile d’accepter une telle dilution.
Lors de la discussion, ils ont quitté le plateau deux fois pour s’entretenir avec leur premier investisseur (qui avait une position très minoritaire), et qui leur disait de ne rien lâcher.
Ils ont bien évidemment tenté de revoir leur dilution à la baisse, mais je suis resté inflexible et ai eu une posture de négociation très dure. Je m’étais fixé un objectif minimum de 20 % et ne souhaitais pas en démordre, quitte à perdre le deal.
Une négociation difficile c’est une chose, mais devoir la mener face aux caméras dans un environnement où on doit impérativement arriver à une décision en est une autre !
Épuisés psychologiquement, ils ont fini par accepter. J’avais maintenant une réelle responsabilité de leur démontrer qu’ils avaient pris une bonne décision !
L’industrialisation
Une des premières choses que j’ai demandée après le tournage était d’obtenir le dossier d’industrialisation avec tous les plans. Malheureusement nous nous sommes vite aperçus que le bureau d’étude électronique avec lequel Black-Line avait contractualisé n’était pas à la hauteur. L’ensemble du travail fourni était tellement médiocre que la seule option réaliste était de tout mettre à la poubelle et recommencer l’étude technique à zéro…
Si le bureau d’étude avait réussi à les accompagner dans le développement d’un prototype, il avait montré sa limite absolue dans la conception du dossier d’industrialisation : aucun test, routage approximatif, références à des composants inexistants… Bref, la catastrophe totale.
C’est à ce moment-là qu’entre en scène Julien Juan, COO de Ledger et ingénieur hors pair spécialisé en électronique et industrialisation. Il a pu reprendre en main l’ensemble du dossier et a réalisé en un temps record un redesign complet du produit.
La fabrication des 1 000 premiers produits devait initialement être réalisée directement par Black-Line avec les moyens du bord. Ce premier batch devait être livré à tous les backers d’ici la fin de la saison d’hiver (février 2020), mais les divers retards liés à l’électronique, ainsi que des difficultés supplémentaires sur le sourcing de certaines pièces critiques (comme les moteurs), nous ont forcé à renoncer à cet objectif.
Avec une nouvelle date de livraison en octobre 2020, nous avons désormais la possibilité d’évoluer vers une industrialisation plus professionnelle et de produire directement un batch de plusieurs milliers d’unités afin de répondre à la demande croissante.
Black-Line est notamment en cours de discussion avec Ledger afin de contractualiser l’assemblage des QuickSett dans le LedgerPlex de Vierzon (Cher).

Le futur
La réussite de l’industrialisation du QuickSett est un passage obligé dans le développement de Black-Line, mais ce n’est qu’une première étape dans la longue marche vers le succès de l’entreprise. Développement international, accords de distribution, nouveaux produits… C’est tout un univers d’opportunités qui attendent Rémi et Sylvain, et je ferai de mon mieux pour les accompagner !
D’ici là, je ne manquerai pas de publier des mises à jour sur ce site afin de vous tenir au courant de cette belle aventure.