L'émission est faite de telle sorte que nous ne sachions rien de ce qui va être présenté lorsque nous rentrons sur le plateau. La première impression se fait donc via le décor installé par la production, qui est créé pour mettre en valeur et expliquer le produit. Assez rapidement, en prenant place dans nos sièges, nous avons compris qu’il s’agissait de vêtements pour handicapés.
Et je me rappelle très bien ma première réaction, que j’ai partagée avec Catherine Barba : « Mais en quoi les personnes handicapées ont-elles besoin d’une ligne de vêtement dédiée ? »… J’étais en réalité focalisé sur le look et le style, et ne comprenais pas du tout ce que Constant & Zoé pouvait apporter comme valeur ajoutée.
Jamais, je crois, je ne me suis senti aussi bête que quand Sarah a expliqué ce qui m'a semblé ensuite l’évidence. À savoir qu’une personne présentant un handicap lourd ne pouvait s’habiller avec des habits normaux sans de nombreux efforts. Sans compter le fait que les accompagnants doivent eux aussi effectuer de nombreux mouvements complexes (et fatigants !) pour un geste aussi simple que d'enfiler un pull ou un manteau.

Le pitch de Sarah a été limpide : elle a posé le problème de façon pragmatique et a démontré la pertinence de la solution qu’elle apportait via Constant & Zoé. Son histoire personnelle, très touchante, a ajouté de la légitimité à son projet, mais tout en gardant une certaine pudeur et sans jamais vouloir jouer la corde de l’émotion. Pour développer Constant & Zoé, Sarah demandait un investissement de 200 000 EUR avec en retour 10 % des actions de l’entreprise.
Très rapidement, j’ai été convaincu de sa qualité d’entrepreneure. Elle connaissait son sujet sur le bout des doigts, était très à l’aise dans l’exercice délicat de la présentation et surtout elle avait du répondant lorsque nous lui posions des questions pointues. Il est extrêmement difficile (si ce n’est impossible) d’arriver à évaluer la rentabilité potentielle d’une entreprise en quelques minutes, ma décision va donc principalement se jouer sur l’impression que va me faire la personne en face de moi. Avec Sarah, ce fut plutôt simple : elle était tellement carrée et précise dans son discours que je me suis dit qu’on pouvait lui faire confiance pour diriger son entreprise sur le long terme. Bien entendu, les chiffres avancés étaient plutôt sains, et le projet lui-même, en plus de son mérite incroyable, avait du coeur, ce qui est un point essentiel à mes yeux.
Pourquoi il est important de parler de marges ?
Lors de l'échange, j’ai clairement vu que Sarah n’était pas trop à l’aise lorsqu’on l’a questionnée sur les marges (ce qu'on ne voit pas dans le montage de l'émission). Hors la marge, c’est un peu le cœur du réacteur pour qui contemple un investissement… Il est vite apparu que le souci n’était pas dans le taux de marge (qui s’est révélé être dans la norme), mais le fait qu’elle était gênée à parler de marge (et donc de profit) pour un concept dédié aux handicapés.
Sachant que ceci serait diffusé devant des millions de téléspectateurs, ne serait-elle pas montrée du doigt comme profitant du malheur d’autrui pour s’enrichir ? On ne peut lui en vouloir d'imaginer une chose pareille, sachant que la plupart des gens n’ont aucune idée du fonctionnement d’une entreprise et sont souvent prompts à faire des raccourcis pouvant être erronés.
Je profite de cette opportunité pour expliquer de façon simple ce qu’est une marge et pourquoi il est vital d’en réaliser une. La marge, c’est la différence entre le coût de vente et le coût de fabrication. Par exemple, la fabrication d’un produit me revient à 10 €, et je le vends sur mon site internet 40 € ; j’ai donc une marge de 30 €, soit 75 %. On pourrait se dire que c’est un profit énorme, et qu’il est même complètement dingue de multiplier le prix par 4, mais en réalité on est loin du compte ! Les 75 % sont en fait la marge « brute ». Il existe une autre marge, dite « nette », qui reflète les profits réels d’une entreprise. Car une entreprise a de nombreux coûts en plus du prix de fabrication du produit : il faut payer les locaux, l’électricité, l’avocat, le comptable, protéger sa marque et la faire connaître, faire de la recherche et développement pour concevoir les nouveaux produits, faire de la publicité, rémunérer ses employés, payer de nombreuses taxes, et aussi (quand c’est possible) se verser un salaire ! La marge nette est donc l’argent gagné par les ventes, moins les coûts de fabrication (marge brute), moins l’ensemble des coûts de l’entreprise. Et dans la grande majorité des cas, cette marge nette est négative. C’est-à-dire que l’entreprise perd de l’argent chaque mois.

Que Constant & Zoé prenne une marge sur ses ventes est non seulement complètement normal, mais salutaire ! Si l’entreprise vendait ses produits au prix de fabrication (ou même seulement au double du prix de fabrication), alors il lui serait strictement impossible de couvrir ses frais de fonctionnement, et encore moins d’investir dans l’avenir.
En conclusion, des marges saines sont la garantie pour les clients de Constant & Zoé de pouvoir obtenir des produits de qualité dans la continuité, avec de nombreuses innovations à venir. Vendre à prix coûtant « car on ne doit pas faire de marge dans le domaine du handicap » serait donc se tirer une balle dans le pied et revenir au final à une situation où il n’existe pas (plus) de vêtements adaptés et améliorant leur qualité de vie.
Comment se prend la décision d’investissement ?
Nous avons là une entreprise qui a le potentiel de jouer un rôle très positif pour les personnes en situation de handicap et leurs accompagnants. La dirigeante Sarah semble clairement avoir les épaules pour développer efficacement sa croissance, et les chiffres présentés sont convaincants.

200 000 euros est cependant une somme importante, et si j’ai rapidement été convaincu que le projet méritait d’être accompagné je me suis dit que je ne pourrai pas y aller seul. Je me suis donc positionné en premier, en proposant 75 000 EUR. Alors que je suis normalement plutôt agressif sur les valorisations (surtout quand elles me semblent un peu surévaluées), je n'ai pas souhaité négocier.
Oui, cela veut bien dire que j'ai été touché par l'émotion suscitée en moi par Sarah et son projet singulier. Comment ne pas l'être ? C'est un projet à la fois utile et d'une grande noblesse de cœur, un projet qui a vocation à changer la vie pour le meilleur pour tant de personnes !
Investir, pour moi, c'est aussi faire confiance à mes émotions positives et inspirantes.
Puis Delphine, qui a été particulièrement touchée par le projet, a proposé que nous mettions tous 50 000 EUR chacun, ce qui a rapidement accepté (même par Marc Vanhove qui au début n'était pourtant pas complètement convaincu). Sarah repart donc avec de 250 000 EUR, contre 12,50 % du capital de son entreprise Constant & Zoé.
Mon investissement est donc de 50 000 EUR pour 2,50 % du capital.
MAJ du 24/01/2020: Delphine André a finalement investi 150 000 EUR dans Constant & Zoé, soit 100 000 EUR de plus que prévu (contre 7,50 % du capital). Ceci porte l'investissement total à 350 000 EUR. Bravo Delphine !
Que s’est-il passé depuis le tournage de l’émission ?
Le tournage a eu lieu en juillet 2019, et il s’est passé pas mal de choses durant ces 6 derniers mois. Tout d’abord, l’investissement s’est finalisé et je peux donc confirmer que les engagements ont été suivis des faits !
Ensuite, Constant & Zoé a été qualifié pour la finale d’un Challenge international organisé par Tommy Hilfiger promettant aux deux grands finalistes d’être accompagnés par le groupe Tommy Hilfiger dans la construction d’un projet commun. Pour l’heure, Sarah a eu l’opportunité de travailler avec la designer du groupe sur la création d’un sac adapté aux différents fauteuils roulants de personnes handicapées actives.
Grâce à l’investissement, l’entreprise a pu déménager dans des locaux plus grands et mieux adaptés à l’activité. Plusieurs recrutements ont d’ores et déjà eu lieu et quelques milliers de pièces ont été produites pour répondre à la demande croissante !
Bien entendu, nous espérons tous que la diffusion de l’émission aura un impact sur les ventes et surtout sur la notoriété de la marque, afin que toutes les personnes en situation de handicap puissent découvrir toutes les solutions que Sarah met à leur disposition.
Je referai un point dans quelques mois afin de voir comment QVEMA a impacté Constant & Zoé !
En attendant, je vous invite à lire le blog de Sarah qui revient sur les détails de cette aventure et partage avec vous ses impressions sur l’émission.