Marion, créatrice du projet, a participé à l’émission QVEMA du 4 février pour trouver un associé et un investissement de 20 000 €, en échange de 15 % du capital de son entreprise.
La première impression
Avec la mise en scène organisée autour des tissus et de la couture, j’ai tout de suite perçu le projet comme étant dans l’univers du textile, avec une forte couleur artisanale. Ça ne partait pas très fort… Il faut dire qu’il existe une myriade de projets et petites entreprises positionnés sur le créneau, avec des sacs, gants, écharpes, etc. Des business compliqués, où il extrêmement difficile d’exister, et qui surtout sont par nature quasiment impossible à faire croître et industrialiser.
J’étais donc dans l’expectative, pas forcément très emballé par le contexte proposé. Marion est ensuite arrivée pour dévoiler son projet. Comme vous avez pu le voir dans l’épisode (et repris de nombreuses fois dans les différents teasers), le début du pitch de Marion a été difficile. Elle a un peu calé au démarrage, et a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour enfin se lancer dans la description des 100 Vœux.
Imaginez un peu la pression de devoir, pour la première fois de votre vie, alors que rien ne vous y a vraiment préparé, présenter votre entreprise devant 5 investisseurs. Le tout entouré de dizaines de caméras et techniciens, et avec à la clé l’accélération du développement de votre projet. Pas étonnant de perdre ses moyens… Et bien évidemment personne n’en a tenu rigueur à Marion : que l’investisseur qui n’a jamais complètement raté une entrée dans sa carrière d’entrepreneur lui jette la première pierre !
Finalement, Marion a pu recouvrer ses esprits, et a présenté le concept de la couverture des 100 Vœux.
La couverture
Issue d’une coutume ancestrale chinoise, appelée Bai Jia Bei, la couverture des 100 Vœux est réalisée à partir de morceaux de tissus offerts par la famille et les amis, par exemple à l’occasion d’une naissance, et pour lesquels chacun a formulé un vœu de protection. Il s’agit donc d’un cadeau commun, original et plein d’émotion, pour célébrer les divers événements positifs de la vie.
Alors on pourrait se demander en quoi ce projet a rapidement retenu mon attention, alors que quelques lignes plus haut je décrivais la difficulté inhérente aux produits textiles.
Déjà, car c’est toujours bien là le plus important, j’ai été séduit par les qualités évidentes d’entrepreneuriat de Marion. Pleine d’énergie, passionnée et malgré un trac épouvantable, une ambition bien véhiculée de transformer son petit projet en véritable entreprise industrielle. Elle connaissait bien ses chiffres et apportait des réponses convaincantes et rassurantes aux diverses questions venant des investisseurs.
La moitié du chemin était faite. Restait ensuite à porter un véritable intérêt au projet lui-même et ressentir une véritable envie de le développer au côté de sa créatrice.
Et là, pour comprendre mon engouement, il faut revenir en 2005 et raconter un événement de l’histoire d’Internet : The Million Dollar Homepage.
Le million de pixels
Le 26 août 2005, Alex Tew, un étudiant anglais, dans le but d’obtenir de l’argent pour ses études supérieures, conçoit et met en ligne un site d’une audace incroyable. La page d’accueil se résume à une grille de 1 000 par 1 000 pixels, et chaque pixel est proposé à un dollar pièce, en tant qu’espace publicitaire.
Capitalisant sur son originalité, le site web est rapidement devenu un phénomène Internet et Alex a finalement vendu tous ses pixels et empoché un million de dollars. Pour connaître tous les détails de cette épopée, je vous invite à consulter l’article Wikipédia sur le sujet.
Je me rappelle très bien de cette histoire. J’étais à Riga en train de développer Dodo Hotel, et j’avais été frappé par la puissance de la viralité du concept. Cela semble complètement banal aujourd’hui, mais à l’époque ce type d’approche était réellement novateur ; et c’est d’ailleurs bien pour cela que le succès fut au rendez-vous.
Mais quel rapport avec les couvertures des 100 Vœux me direz-vous ?
Le premier rapprochement est évident : les couvertures, par leur aspect patchwork, m’ont immédiatement fait penser à un tableau de pixels.
Le second a été lui beaucoup plus impactant dans ma décision d’investissement.
Le coût d’acquisition
Lorsque l’on vend un produit sur son site Internet, quel que soit le secteur, maîtriser le coût d’acquisition d’un client est primordial. Et en général, plus élevé est le prix de vente du produit, plus élevé est le coût d’acquisition.
Pour ceux qui ne sont pas versés dans le marketing, on appelle coût d’acquisition d’un client le montant moyen dépensé pour faire venir sur son site des visiteurs qui vont ensuite effectuer des achats (et se transformer en client). Par exemple, un site investit 100 € dans une campagne Facebook, qui génère 300 visites sur le site, et 10 achats. Le coût d’acquisition est donc ici de 10 € par client. Tout l’art du marketing digital est de multiplier le nombre de clients tout en en maîtrisant le coût.
Revenons à nos couvertures : celles-ci sont composées de vœux, achetés indépendamment les uns des autres (avec parfois un client achetant plusieurs vœux). Prenons l’exemple d’une couverture qui contient au final 50 vœux. Avec un coût de 12 € par vœux, le prix total final de la couverture revient à 600 €. Une couverture est donc un beau cadeau, qui peut vite coûter assez cher.
Imaginons maintenant que nous vendions des couvertures à 600 € sur un site marchand. Comme tout le monde ne peut clairement pas se permettre d’investir une telle somme dans un cadeau, le taux de transformation (le nombre de ventes par rapport au nombre de visiteurs) devient vite assez faible. Ceci a pour effet de faire grimper en flèche le coût d’acquisition, et le site ne peut atteindre sa rentabilité. Évidemment, c’est en général très variable (sinon personne ne vendrait des choses chères sur Internet), mais vous avez compris mon point.
La multiplication des pains
Le concept des 100 Vœux est de créer un cadeau participatif. Le premier client est en fait l’organisateur du cadeau, qui va ensuite se démener pour trouver des acheteurs de vœux afin de réaliser la couverture. Et ceux qui auront participé au cadeau auront vu le produit et seront peut-être séduits pour réaliser un jour eux-mêmes une couverture pour une autre occasion.
Nous avons donc là une viralité inhérente au concept, ce qui l’a tout de suite rendu intéressant et unique à mes yeux.
Un client de convaincu de démarrer un projet, c’est 30 à 50 personnes qui seront exposées au produit et qui pourront faire l’acquisition d’un ou plusieurs vœux.
Bien entendu, ce concept n’est pas nouveau : on pense immédiatement aux cagnottes participatives. Cependant, à ma connaissance, le concept des 100 Vœux est complètement original sur cette approche.
L’industrialisation
Maintenant que l’on a dit tout cela, il reste tout de même une difficulté de taille pour un investisseur. Si le concept me paraissait solide, son industrialisation allait demander du temps et de l’énergie.
Jusqu’à présent, Marion avait construit son petit empire des carrés de tissus dans son salon, toute seule et en auto-entrepreneur. Il fallait créer l’entreprise, trouver des locaux, recruter des couturières, construire un site digne de ce nom, mettre en place un pilotage des stocks, travailler le marketing, mettre au carré tous les process, créer des outils pour aider les porteurs de projets à vendre des vœux, etc, etc.
Si l’émission s’appelle « qui veut être mon associé » plutôt que « qui veut bien me faire un chèque », c’est que lorsque l’on s’investit dans un projet, ce n’est pas pour le faire à moitié. Fort de mon passé de marketing en ligne, et certain que j’arriverai à emmener avec moi des experts du domaine, j’ai voulu relever le défi. Et je me suis dit que j’allais tout faire pour aider Marion à recouvrir le monde entier de ses couvertures.
La proposition
Marion avait estimé son besoin à 20 000 € pour développer son entreprise, contre 15 % des parts. Au vu des besoins d’installation, équipement et recrutement, l’apport en cash ne m’a pas paru être assez important pour être réaliste.
J’ai donc proposé 30 000 € pour 25 % du capital, revoyant légèrement à la baisse la valorisation de l’entreprise, mais tout en respectant le travail réalisé jusqu’à présent par Marion.
Je pense être le seul à avoir vu le potentiel du projet de Marion, car tout le monde a passé plutôt rapidement et ma proposition était au final la seule en lice.
Après quelques minutes de réflexion, Marion l’a acceptée et j’ai été ravi de rejoindre l’aventure !

Le grand saut
Immédiatement après le tournage (été 2019), Marion a commencé avec mon aide à structurer son entreprise et franchir le pas de l’entrepreneuriat à temps complet.
En quelques semaines à peine, elle a trouvé des locaux, commencé les travaux, sourcé tout le matériel, revu son stock, recruté deux personnes et commissionné la nouvelle version du site.
Marion a été d'une efficience redoutable, disons-le directement : le rêve de tout investisseur !
Durant le travail mené avec Marion depuis l'émission, j'ai eu le plaisir de découvrir qu'elle possède les qualités indispensables à un tel projet, et à une association réussie pour moi : l'investissement total dans le projet, l'intelligence des situations qui rend inutile de répéter des arguments essentiels, la transparence et l'échange qui sont des vertus essentielles entre associés, ainsi que le respect de la parole donnée et des engagements.
Les 100 Vœux sont maintenant installés dans des locaux au sud de Compiègne, dans l’Oise. Les machines à coudre sont dans les starting-blocks et les process de fabrication ont fortement été améliorés.
Il ne manque plus que vous. Alors, qu’attendez-vous pour lancer votre projet de couverture ? :)