L’art du grand écart : comment réussir sans se briser en deux
Dans l’esprit collectif, entrepreneur ne rime pas avec équilibre. Entreprendre ce serait :
Un fou furieux aux antipodes de tout équilibre, obsédé par des objectifs radicaux. Alors oui, c’est vrai, sauf que comme tout chose, ce n’est pas aussi simple.
En réalité :
Il ne fonce que parce qu’il a tous les instruments pour analyser sa course,
Il ne sacrifie tout qu’à condition d’avoir auparavant maximisé ses chances,
Il ne reste dans l’action que parce qu’il sait ajuster en cours de route,
Un entrepreneur n’est pas un bulldozer qui rase tout sur son passage. Il est au contraire un équilibriste qui sait jouer finement avec tous les éléments qui l'entourent.
L'entrepreneuriat, c’est une danse sur le fil du rasoir.
Après 30 années de pratique, j’ai identifié 7 équilibres fondamentaux qui m’ont permis de progresser en permanence et que je vous partage ici.
I. Entre ego et humilité
L'ego, c'est ce qui vous fait croire que vous pouvez tout réussir. Et franchement, c'est indispensable. Si vous-même ne croyez pas en votre projet, qui va le faire ? Un ego fort est la clé pour une solide confiance en soi, première fondation de la réussite.
Mais attention cependant à garder une bonne dose d’humilité, sous peine de passer à côté de beaucoup de choses… L’humilité permet de comprendre que l’on a pas réponse à tout, et donc d’accepter le feedback voire la contradiction. Sans celle-ci, impossible de faire évoluer son business dans la bonne direction.
Accepter le feedback, ce n’est pas non plus se plier à toutes les remarques et suggestions. Celui qui a parlé en dernier n’est pas forcément celui qui a raison !
Un équilibre savant, qui lui même droit évoluer en fonction des circonstances : un ego fort en période d’exécution pour ne pas se laisser distraire, et une humilité renforcée en période de construction pour se faire challenger positivement.
II. Entre persévérance et obstination
Vous connaissez l’histoire du type qui creuse sa mine pendant des années sans rien trouver, abandonne, et le gars suivant trouve une pépite en creusant 10 cm plus loin ? Classique. La morale officielle serait "Ne lâchez jamais rien !", mais en réalité, la vraie leçon c’est : regardez autour de vous !
Un bon entrepreneur sait être à l’écoute de son marché. Il analyse les signaux faibles et ne fonce pas bêtement dans une direction aléatoire. Ne rien lâcher c’est bien, mais uniquement si on met son énergie au service des bonnes décisions.
Si défoncer la porte à coup de pieds ne donne rien, alors il faut passer par la fenêtre.
Il ne faut donc pas confondre persévérance et obstination, et savoir jongler entre la nécessité d’être une machine inarrêtable et la capacité d’observer son environnement pour réévaluer régulièrement la bonne direction à prendre.
III. Entre prise de risque et maîtrise du jeu
Voici une petite anecdote pour illustrer mon point : Frederic Smith est le fondateur de FedEx, une entreprise qui pèse des milliards. Sauf que FedEx a failli ne jamais exister.
A ses débuts, FedEx s’est retrouvé au bord de la faillite. Son fondateur décide de tenter le tout pour le tout en jouant les dernières économies de l’entreprise au casino. Il repart de Las Vegas avec 30 000 dollars, suffisamment pour payer le kérosène de ses avions, sauver son business de la banqueroute et le transformer en géant mondial.
“Pour être prêt à tout gagner, vous devez être prêt à tout perdre”, vraiment ?
Oui je ne dirai pas le contraire. Mais comme toujours, c’est un peu plus subtil que cela.
Smith n’est pas aller jouer à la roulette, mais au blackjack. Et il y a une sacré différence : la roulette est du hasard pur, alors qu’au blackjack la chance peut être maîtrisée… à condition de compter les cartes. C’est exactement ce qu’il a fait, et n’a pris son risque qu’une fois qu’il était certain de maximiser ses chances.
Ne soyez donc prêts à tout perdre qu’à condition d’avoir toutes (ou la plupart) les cartes en main !
L’entrepreneur doit prendre des risques, mais des risques calculés.
IV. Entre contrôle et délégation
Le micromanagement, c'est vouloir tout faire soi-même. "Personne ne fera mieux que moi !" Ah bon ? Cela signifie que vous ne recrutez que des incompétents ? Bravo.
Alors pour déléguer, il faut accepter de perdre le contrôle. Mais jusqu’où aller ? C’est encore une fois une question d’équilibre !
J’ai fait un choix assez tranché : j'ai toujours choisi de donner par défaut ma confiance aux autres. Certains veulent que celle-ci soit gagnée, moi je la donne systématiquement.
Alors bien sûr, cela m’a valu d’avoir été roulé dans la farine à plusieurs reprises. Mais je préfère perdre quelques plumes, parfois, que de briser, toujours, l’élan de ceux que je recrute via du micromanagement.
Bien évidemment, la confiance n'exclut pas le contrôle : laisser agir a priori et vérifier, analyser, réévaluer a posteriori.
À vous de trouver votre équilibre, de mettre le curseur à l’endroit qui vous convient le mieux.
V. Entre action et réflexion
"Il faut bien réfléchir avant d’agir.”
Peut-être. Mais réfléchir, c’est souvent renoncer.
“Diriger, c’est prévoir”
Peut-être. Mais entreprendre, c’est faire.
Combien de personnes ai-je vu réfléchir, analyser, peser le pour et le contre… et ne jamais rien faire ? Si vous attendez le moment parfait, la validation absolue, la certitude de ne pas échouer, devinez quoi ? Vous ne ferez jamais rien.
L’entrepreneur qui gagne, c’est celui qui teste, exécute, ajuste en cours de route. Il prend des coups, il se relève, mais au moins il avance.
Oui l’exécution n'existe pas sans réflexion en amont mais une idée n’a aucune valeur tant qu’elle ne s’est pas heurtée au terrain.
Il est vrai aussi que l’exécution peut provoquer un effet tunnel. Vous avez le risque d’être emporté par l'urgence des tâches quotidiennes (je vous préviens, vous allez l’être) au détriment de votre stratégie.
Une solution à ce dilemme ? Prendre régulièrement le temps du recul, pour faire le point, lors de moments dédiés et entourés de personnes qui peuvent vous aider à y voir plus clair. Et c’est exactement pour cela que j’organise les Masterminds Entrepreneurs au sein de mon domaine.
VI. Entre audace et prudence
Être un entrepreneur, c'est jouer avec les limites. Trop sage, vous vous faites bouffer. Trop fou, vous finissez en taule ou en faillite. La clé, c'est de flirter avec la ligne jaune, mais sans la dépasser complètement.
C’est clairement ce que j’ai fait tout au long de ma carrière : décodeurs Canal+ pirates pour financer mes études, quelques raccourcis lors de mes premiers business, accepter de braver une régulation inadaptée lors des premiers mois de la Maison du Bitcoin, etc.
Mordre la ligne jaune, sans la franchir.
Si vous ne voulez pas le faire, ou si vous ne pouvez que vous plier toujours et absolument à toutes les règles écrites et non écrites, alors l’entrepreneuriat n’est pas fait pour vous.
Là encore, l’équilibre est nécessaire, impliquant forcément de sortir du confort d’une balance penchant vers le conservatisme le plus absolu.
VII. Entre vie pro et vie perso
Alors cet équilibre là, il est compliqué. Quand on me pose la question, je réponds “mais de quel équilibre parlez-vous ?”.
J’ai toujours été absolument obsédé et déterminé dans ma quête entrepreneuriale. Peu d’amis, très peu d'interactions sociales, les soirs et les week-ends à travailler. La seule chose qui m’intéressait : bosser.
Et pourtant j’ai trouvé le temps de me marier et d’avoir des enfants, puis de m’en occuper quand même un minimum.
Malgré moi, j’ai tout de même réussi à trouver mon équilibre, alors que j’ai toujours pensé que cela n’était pas possible…
Conclusion
L’équilibre en entrepreneuriat, ce n’est pas un état figé. C’est une série d’ajustements permanents. Un coup vous poussez, un coup vous freinez. Un coup vous foncez, un coup vous réfléchissez (un peu).
Ceux qui réussissent sont ceux qui savent naviguer entre ces paradoxes, qui acceptent d’être à la fois confiants et prudents, rapides et réfléchis, ambitieux et pragmatiques.
Trop obstiné ? Vous foncez droit dans le mur,
Trop réfléchi ? Vous vous ferez dépasser,
Trop orthodoxe ? Vous ne pourrez pas changer votre marché,
Tout n’est qu’une question d’équilibre.